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gravité futilité 2

VOLOS Hubert Duprat

31 Janvier 2019 , Rédigé par richard Monnier Publié dans #sculpture, #Hubert Duprat, #Natacha Pugnet

 

Volos , Hubert Dupras

 

« Et si Hubert Duprat avait planté une hache en pierre polie, dans un pain de terre juste pour voir si elle pousse ? »

C'est un artiste, idiot convaincu qui pose cette question. Souvenons-nous, cette hache pouvait aussi bien être une lame fixée au bout d'une houe qui était utilisée pour le défrichage grâce auquel les hommes préhistoriques ont pu commencer à pratiquer l'agriculture. Dire que les pierres peuvent pousser n'est pas une absurdité, H. Duprat a effectivement récolté sa hache néolithique dans un champ labouré ; c'est idiot. Cette remarque peut être soutenue par une observation que font couramment les agriculteurs. Même quand on a épierré un terrain, des pierres réapparaissent à la surface du sol quelques années plus tard. Ce renouvellement est dû à des micro-pressions exercées par la dilatation de la terre mouillée sur les pierres enfouies et à ses retraits successifs lorsqu'elle sèche (sur un mode légèrement différent, on peut observer que le gel et le dégel déplace les pierres).

Dans le très beau petit livre intitulé Volos, qui est aussi le titre de la sculpture constituée de la hache en pierre plantée dans le pain de terre, Natacha Pugnet nous apprend que H. Duprat a pratiqué l'archéologie (il y a très longtemps) et elle note :« Volos suggère une tension qui sans cesse échappe vers un originaire avec l'énigme duquel il s'agirait de renouer », faisant écho à la citation de Leroi Gouran mise en exergue de son texte : « Les richesses archéologiques éveillent presque en chaque homme un sentiment de retour […] La recherche des mystères des origines … »

C'est dans un tout autre état d'esprit que j'aborde les œuvres préhistoriques en général et Volos en particulier. Quand je visite la grotte Chauvet par exemple, des animaux en mouvement surgissent de toute part, immédiatement identifiables grâce à des détails morphologiques très précis comme je les ferais moi-même, si je savais dessiner. Ces représentations me paraissent très actuelles et je les reçois immédiatement, sans grille de lecture, profitant en cela de l'ignorance que nous avons du contexte dans lequel elles ont été réalisées. Sans manuel d'iconologie, délesté de la biographie des artistes, je peux apprécier ces œuvres pour ce qu'elles sont aujourd'hui sans avoir à chercher la couleur d'origine sous le vernis qui craquelle. Comme les outils de silex taillé, elles ont conservé tout leur tranchant.

D'éminents savants veulent me persuader que la hache néolithique qui compose Volos est le témoin d'une étape majeure de l'évolution de nos civilisations mais pour moi, elle brille de tout son poli et je suis ébloui par son évidence sans histoire. (Elle n'est d'ailleurs pas le produit d'une fouille archéologique, elle n'a pas été trouvée in situ). N. Pugnet signale l'état « stérile » de la terre encore emballée dans son film plastique, c'est vrai, malgré la puissance de la pénétration de la hache dans la terre humide, il n'y a rien à attendre de leur union.

N. Pugnet dit plusieurs fois que la hache est « fichée » dans la terre, sa réflexion est orientée vers l'objet. Je dis que la hache est « plantée » dans la terre, mon approche est orientée vers le sol.

N. Pugnet fait référence à des peintures de Barnet Newman à propos desquelles le peintre disait que « le zip était suffisant pour déclarer l'espace ». Du même artiste j'évoquerais plutôt la sculpture intitulée Here I qui se réduit à une étroite plaque de métal verticale fixée (plantée?) sur une base en forme de pyramide tronquée et qui à sa façon, « déclare l'espace », ici. Elle « se tient droit comme un I » comme on dit d'une personne vertueuse, et manifeste une rigidité un brin ostentatoire. Ce rapprochement de Here I avec Volos permet de distinguer la hache qui « reste plantée là ». Le geste est nettement affirmatif sans être déclaratif. Il nous invite à penser qu'un lieu n'est pas unique et ne peut être le résultat d'une volonté, aussi impérative soit-elle.

 

La hache ici et la terre là.

La hache et la terre, ici et là.

 

31 janvier 2019, corrigé en 2021

 

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