G. Leopardi et son droit à l'immortalité.

« Ce n'est que de cela et de rien d'autre, que peut naître ce dont parle Voltaire : « pourquoi des scènes entières du Pastor Fido * sont-elles sues par cœur aujourd'hui à Stockholm et à Saint Pétersbourg ? Et pourquoi aucune pièce de Shakespeare n'a-t-elle pu passer la mer ? C'est que le bon est recherché par toutes les nations ». Un faux mérite en matière de beauté, c'est-à-dire un mérite artificiel, ne peut donc être durablement estimé par tout le monde et ma théorie qui détruit le beau absolu va dans ce sens : elle renforce la thèse suivant laquelle le jugement des nations et des siècles sur le beau n'est jamais erroné ; elle laisse intacte et inviolé le droit à l'immortalité et à la renommée universelle dont jouissent les grands auteurs, les poètes et les artistes. » (31 juillet 1821) p. 693

*Giovanni Battista Guarini

Extrait de Zibaldone de Giacomo Leopardi

Le fait de lire Zibaldone laborieusement, de façon continue, page après page, offre au liseur bénévole un réel plaisir, celui de découvrir ce qu'il faut bien appelé des perles qui ne sont pas retenues dans les nombreux commentaires plutôt laudatifs concernant l’œuvre de G. Leopardi, ni dans les analyses qui ne s'en tiennent qu'aux idées jugées importantes.

Le préfacier de Zibaldone édité chez Allia, Bertrand Schefer s'étonne du silence qui entoure cette œuvre en France. Et si c'était par égard pour « le plus grand écrivain italien depuis Dante » que ce genre de "théorie" était passée sous silence justement ?

Dans Zibaldone, G. Leopardi se réfère souvent à Madame de Staël pour parler de l'opposition entre les caractères et les cultures septentrionales d'une part et méridionales d'autre part. C'est encore à Madame de Staël qu'il donne la main pour ne pas se perdre dans les brouillards de la culture allemande. Même armé de sa « théorie qui détruit le beau absolu » il a encore besoin d'aller chercher l'autorité d'un philosophe français pour affirmer ce qui s'avère être aujourd'hui une grosse bêtise.